Moi, Maître, je suis français de souche…

Voici quelques semaines, j’ai défendu devant le Tribunal Correctionnel en qualité de parties civiles une mère de famille et son enfant victimes d’un accident de la circulation provoqué par un automobiliste conduisant sous l’empire d’un état alcoolique.

Le responsable de l’accident de la circulation a été condamné pénalement, notamment à régler une indemnité au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Suite au procès, je me rapproche donc de la personne condamnée pour solliciter de sa part le règlement de ladite indemnité revenant à mes clients.
Ce dernier me téléphone alors pour me faire part de ses intentions de règlement.
Au-delà même du fond du dossier et de l’histoire qu’il essaie de réexpliquer, il s’emporte et à bout d’arguments, vocifère : « Moi, Maître, je suis français de souche, ces gens-là, ils font tout pour tirer avantage de la situation… ». En effet, mes clients sont de nationalité française et d’origine maghrébine. Passée la surprise, je réponds :

Mais qu’entendez-vous par-là Monsieur ? Le fait que vous soyez français de souche vous donne-t-il la légitimité de ne pas respecter une condamnation pénale et de ne pas l’exécuter ?
Au contraire, Monsieur, ce particularisme revendiqué devrait vous imposer un devoir d’exemplarité assorti du respect des valeurs de notre République. Notamment, respecter autrui en ne conduisant pas en état d’imprégnation alcoolique et respecter également une justice laquelle, si elle est perfectible a été rendue à votre égard, en considération de critères humains et économiques.
Dans le cas d’espèce qui nous concerne, le juge a apprécié votre situation financière et le fait que vous n’aviez jamais été condamné.
En outre, obtenir pour mes clients une indemnisation équitable de leur préjudice suite à un accident de la circulation n’en fait pas des profiteurs mais simplement des victimes qui ont subi, à un moment particulier, par vos agissements, un préjudice physique et psychologique douloureux.
En ma qualité d’avocate, je suis là pour les défendre, qu’ils soient de souche ou pas…
Monsieur, vous prétendez par ailleurs que mes clients tirent avantage de la situation…
Mais vous, n’avez-vous pas été défendu par un avocat commis d’office au titre de la solidarité nationale ? Ai-je prétendu que vous tiriez profit d’une situation ?

Voici un nouvel article différent des précédents, plutôt une lettre ouverte en réaction à la lâcheté et à une forme de médiocrité qui me sont insupportables.
Sachez que mon esprit est ouvert et que je peux tout comprendre.
En revanche, porter atteinte à mes clients et par là même, remettre en cause ma mission de défense m’inciteront toujours à réagir vigoureusement.
Et vous, qu’en pensez-vous ?